Entretiens avec Alain Villain (11). La vérité sur "l'affaire" des Boréades - IV et fin
DIMANCHE 14 SEPTEMBRE 2025 - Quatrième partie des aventures de STIL et d'Alain Villain avec les Boréades de Jean-Philippe Rameau. Et un jour, la Bibliothèque Nationale de France s'est déjugée...
ATTENTION : Cette lettre est très longue. Pour plus de confort de lecture et pour voir les documents en grand, lisez là sur le site : lien en haut à droite de ce message “VOIR DANS LE NAVIGATEUR”.
Chère abonnée,
Cher abonné,
En ouverture de ce dernier épisode consacré à l’affaire des Boréades, je voudrais signaler, pour les habitants de la région parisienne qui ont suivi ma série d’entretiens avec Alain Villain, que dans le cadre des Journées du patrimoine, il vous sera possible de manière hélas trop exceptionnelle, d’entendre l’orgue du Gaumont Palace “sonner” en vrai le samedi 20 septembre prochain, l’après midi, à Nogent sur Marne, au Pavillon Baltard dans lequel l’instrument est désormais conservé.
L’accès à cette manifestation est gratuit, et très facile par le RER A : descendre à la station "Nogent-sur Marne ! Au cours de l’après midi se succéderont démonstrations de l’instrument, rencontres avec les organistes et même une intervention d’Alain Villain en vrai ! Et même, il est prévu que votre serviteur soit là ! Tous les détails sont également disponibles sur le site du Pavillon Baltard.
L’histoire rocambolesque du sauvetage de cet instrument exceptionnel a été raconté cet été dans COUACS INFO, à l’occasion de deux articles :
La verité sur l’affaire des Boréades : suite et fin : “Je ne regrette rien”.
Cette série est réservée (entre autres avantages !) en lecture intégrale aux abonnés Couacs Info Premium.
Résumé des trois épisodes précédents consacrés à l’affaire des Boréades, dont on ne peut que recommander la lecture intégrale avant la lecture de ce nouvel épisode :
En 1976, Alain Villain, via sa maison d'édition STIL, acquiert par contrat avec la Bibliothèque Nationale (BN) les droits exclusifs sur l'opéra inédit Les Boréades de Rameau. Il s’est originellement engagé dans ce travail en collaboration avec John Eliot Gardiner, mais entre rapidement en conflit avec le chef d'orchestre dont il s’aperçoit qui tente d'exploiter l'œuvre dans son dos.
Cette trahison marque le début d'une bataille juridique de près de 40 ans pour faire respecter ses droits, avec Gardiner puis avec d’autres. Villain se voit contraint d'engager de nombreux procès contre des festivals, des chefs d'orchestre et des maisons de disques qui refusent de payer les droits d'auteur et de location du matériel , et dénient sa qualité de cessionnaire de l’œuvre. Il les gagne tous.
Malgré une campagne de dénigrement le faisant passer pour un profiteur, il prouve que ses tarifs sont conformes aux usages de la profession. Il se bat aussi pour que les mentions légales qui lui sont imposées par la BNF pour toute reproduction ou interprétation soient respectées.
Le contrat avec la BN engageait Alain Villain à réaliser en contrepartie et à ses frais une édition scientifique de référence. Il la réalise, sous la direction du musicologue Philippe Lescat.
Parfaitement soutenu par la Bibliothèque Nationale jusqu’à l’arrivée à sa tête de Bruno Racine en 2007, Villain fait face à une opposition constante et systématique d’une bande qui pour des raisons financières et/ou inavouables lui dénient sans cesse les droits dont il est contractant . Aux menées de John Eliot Gardiner succéde alors le travail de sape de la musicologue Sylvie Bouissou. Dans le cadre de son projet Rameau Opera Omnia cette dernière entend publier son édition critique des Boréades mais n’entend pas collaborer avec Villain quand bien même ce dernier est le seul détenteur des droits d’exploitation de l’œuvre.
Pourtant, c’est bien grâce à Alain Villain que, jeune musicologue, Sylvie Bouissou avait découvert l’œuvre. Le rôle et l’action commerciale de la “Société Jean-Philippe Rameau”, association loi 1901 sans but lucratif dont elle est à l’évidence l’animatrice sans apparaitre dans les statuts et la gouvernance, est bien opaque…

Alain Villain - Le 21 avril 2005, Jean-Noël Jeanneney alors Président de la Bibliothèque Nationale de France m’a remis la médaille de Chevalier des Arts et Lettres dans le salon d’honneur de la Bibliothèque Nationale, rue de Richelieu. Dans, son discours, il disait :
“ Vous avez su que nous avions ici les Boréades de Rameau. Vous avez été attiré par ce magnifique document. C’est ainsi qu’il y a maintenant plus d’un quart de siècle, près de 30 ans, vous avez passé accord avec la Bibliothèque Nationale, qui n’était pas encore la BNF, et qui en avait déjà toutes les qualités. Vous avez donc passé accord avec nous pour restituer et publier, d’après les manuscrits appartenant à nos collections, l’intégralité de cette partition. Vous l’avez fait avec un soin, un sérieux, une dévotion même à l’égard de ce grand musicien qui a frappé tous ceux qui, ensuite ont pu bénéficier de cette magnifique création. De plus en plus nombreux, puisqu'au début de ce millénaire vous avez même proposé, chose rare, une édition de poche de ces Boréades. C’est pour cela, qu’exceptionnellement, le sourire de Voltaire se fait moins ironique que d’ordinaire.”
À cette cérémonie assistait Georges Le Rider, très affaibli. Cet historien, homme remarquable, administrateur général de la Bibliothèque Nationale, avec lequel j’avais signé en 1976 le fameux contrat m’a dit : “Vous voyez, je suis bien content. Je vous ai fait confiance, et vous y êtes arrivé”. Il avait parfaitement conscience du risque qu’il avait pris à l’époque en me confiant les Boréades. Je crois qu’il avait reconnu en moi l’éditeur, et n’était pas fâché de mon indépendance. Je veux lui rendre hommage.
Yves Riesel - Ce contrat que vous aviez signé avec la BN, jusqu’à quand courait-il ?
AV - Si j’en crois le contrat signé avec la BN, jusqu'en 2050.
YR - Et donc maintenant, en 2025, tout va donc très bien enfin : vous êtes un éditeur heureux, non ? Vous êtes tranquille, tout le monde a compris l’histoire, vous avez fait votre travail d’éditeur, vous avez 25 ans de tranquillité devant vous et c’est une œuvre que l’on joue de plus en plus…
AV - Oui… Mais NON. … En 2012, la horde qui s’acharnait à contester depuis si longtemps les droits de STIL sur les Boréades a marqué un point, en infiltrant la BNF, laquelle a opéré un revirement incroyable et piétiné le contrat qu’elle avait signé ! Elle a mis cette année-là en accès libre sur Gallica, son site Internet, le manuscrit des Boréades, œuvre pour laquelle elle avait pourtant exigé en 1976 des éditions STIL un contrat d’exploitation comportant obligations et revenus en retour pour elle-même, et pour STIL.
YR - Pourquoi avoir fait cela ?
D’où pensez-vous que pouvait venir le coup ? Pour mémoire, la fondatrice et longtemps directrice de Musica Gallica, sorte de déclinaison musicale de Gallica à laquelle elle a emprunté son nom est… Sylvie Bouissou.
Mais ce n’est pas tout Cette année-là la BNF n’a pas seulement exposé le manuscrit sans mon accord, permettant tous les piratages. Elle a aussi assorti cette publication d’une mention indiquant que l’œuvre était du Domaine Public ! Se contrariant elle-même ! Est-il pensable que la Bibliothèque Nationale, théoriquement si sourcilleuse, puisse procéder à une telle publication Internet sans contrôle interne ? Sans consulter la direction de son département Musique qui sont payés pour ça ? Et, s’agissant d’une œuvre d’une telle importance, est-il pensable que les responsables du Département musique laissent passer sans broncher une telle initiative ? C’est invraisemblable.
Je ne me suis pas immédiatement rendu compte de la félonie. Mais quand je m’en suis aperçu, j’ai envoyé plusieurs lettres à Bruno Racine, Président à l'époque de cette institution et à Sylviane Tarsot-Gillery, Directrice générale. Je vous les confie, car il s’agit d’une correspondance assez éclairante et qui pourra distraire vos lecteurs. .
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