Jean Boyer, ce sculpteur du son. Entretiens avec Alain Villain (10)

JEUDI 4 SEPTEMBRE 2025 - Une évocation par Alain Villain de l'organiste Jean Boyer, artiste incomparable, et de sa collaboration avec STIL

Photo : © Alain Villain

• Voici le dixième épisode de notre série d’été consacrée à Alain Villain et à l’histoire du label STIL, qu’il a créé en 1971.

• Retrouver tous les entretiens sur le site, évidemment, dans l’onglet “Histoires vraies” ou en suivant les liens ci-dessous :

  • 1 - L’aventure de l’orgue du Gaumont Palace ( 1 )

  • 2 - L’aventure de l’orgue du Gaumont Palace ( 2 )

  • 3 - Scott Ross et STIL, une collaboration légendaire ( 1 )

  • 4 - Scott Ross et STIL, une collaboration légendaire ( 2 )

  • 5 - La vérité sur “ l’affaire des Boréades “ (1)

  • 6 - Alain Villain avant STIL : origine, jeunesse, formation

  • 7 - La vérité sur “ l’affaire des Boréades “ (2)

  • 8 - Un grand seize pieds

  • 9 - La verité sur “ l’affaire des Boréades “ (3)

Yves Riesel - Après la réalisation du film Un grand seize pieds évoqué dans un précédent entretien, comment s'est enclenchée votre collaboration avec vos organistes ?

Alain Villain - Ça a commencé par Jean Boyer et ça s'est poursuivi ensuite avec Pierre Vidal. Mais entre Pierre Vidal, auteur du fameux livre Bach et la Machine orgue et Jean Boyer, il y a un gué ! Ce ne sont pas du tout les mêmes tempéraments, ni la même “famille” d’organistes.

YR - C’est pourquoi nous consacrerons cet entretien à Jean Boyer seulement, sans oublier de revenir ultérieurement à Pierre Vidal !

AV - Quand j'ai débarqué à Poitiers pour tourner le film Un grand seize pieds , j’ai trouvé sur place une émule, un admirateur et élève de Jean-Albert Villard, l'organiste titulaire du Clicquot de Poitiers. Ce jeune garçon s'appelait François-Henri Labey. Il était un familier de Villard et de sa femme Simone. Il m’a énormément aidé pendant tout le temps du tournage, à toutes sortes de tâches.

Une fois que le film a été terminé, François-Henri m'a dit : “ Tu sais, il y a quelqu'un, Hubert Bedard, qui est en train de construire et de vendre des épinettes en kit. Tu achètes le kit, on te prépare toutes les pièces et tu construis ton instrument. Et c’est l’éditeur Heugel, rue Vivienne qui distribue le produit.”

J’ai été pratiquement le premier client de cette épinette en kit que François-Henri Labey a montée et décorée, avec sa sœur ! François-Henri, décidément de très bon conseil me dit aussi : « Et puis, il faudrait que je te fasse rencontrer Jean Boyer ». Je dis, « Ah bon, mais pourquoi ? » « Eh bien, c'est un jeune claviériste très talentueux, et tu pourrais faire un disque avec lui, à l’épinette, quand l’épinette sera terminée. Jean Boyer éyaot alors l’élève de Xavier Darrasse à Toulouse, déjà très avancé. Mais, au lieu de faire un projet d'enregistrement d'une épinette, ce qui était un peu “kiki”, après le film, je me suis dit : « On ne va pas recommencer à faire un film, essayons de faire un disque ! On enregistrera un orgue, cette fois non pas pour la pellicule, mais pour un autre support, la galette vinyle. »

YR - Et donc, ça a été le premier disque STIL ?

AV - Absolument ! Et le tout premier. La présentation en était très classique, réalisée par Jean-Pierre Lecointre qui était par ailleurs Directeur artistique chez Politique Hebdo. Un gros titre, « L'orgue historique de Gimont » et par dessous : “ construit par Godefroy Schmitt en 1772 ”. Et en sous-titre : « Pièces françaises, flamandes, et espagnoles des XVIIe et XVIIIe siècles ». René Delosme est crédité sur ce disque comme directeur artistique. Il était l’un des animateurs zélés de l’Association Française pour la Sauvegarde de l’Orgue Ancien (AFSOA).

Il faut dire qu’on était à un moment de véritable bascule esthétique dans ce domaine. Jean Boyer insistait pour que son programme soit européen car disait-il le facteur de l’orgue de Gimont avait construit un instrument propre à jouer ces répertoires de différents pays européens.