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Entretiens avec Alain Villain (6) - Origines, jeunesse, formation
HISTOIRES VRAIES

Entretiens avec Alain Villain (6) - Origines, jeunesse, formation

Dimanche 27 juillet 2025 - Cet épisode nous permet de revenir sur l'histoire familiale d'Alain Villain, ses années de jeunesse et de formation.

juil. 27, 2025
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Entretiens avec Alain Villain (6) - Origines, jeunesse, formation
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Avant de lire cet entretien, on aura pu faire connaissance depuis le 20 juin dernier de l’éditeur Alain Villain et de certaines de ses réalisations.

Peut-être comprendra-t-on mieux certains traits de caractère en découvrant son histoire familiale, et sa jeunesse. J’ai dû un peu insister pour recueillir ces souvenirs qui, en bonne chronologie, auraient dû être publiés en premier.

ATTENTION : Cette publication étant longue, assurez vous de bien la développer à la fin dans votre logiciel de courriel !
Vous pouvez aussi la retrouver sur le site, évidemment, dans l’onglet “Histoires vraies”.
  • Rappel et liens vers les épisodes précédents :

    • 1 - L’aventure de l’orgue du Gaumont Palace ( 1 )

    • 2 - L’aventure de l’orgue du Gaumont Palace ( 2 )

    • 3 - Scott Ross et STIL, une collaboration légendaire ( 1 )

    • 4 - Scott Ross et STIL, une collaboration légendaire ( 2 )

    • 5 - La vérité sur “ l’affaire des Boréades “ (1)

  • La suite de “l’affaire des Boréades” sera publiée la semaine prochaine, dimanche 3 août.

  • La lecture intégrale de ces articles est réservée aux abonnés Couacs Info Premium, qui soutiennent sa publication.


Photo : © Jean-Baptiste Millot - avec mes remerciements.

Yves Riesel - Alain, nous sommes ici à l'hôtel Régina, à Paris, dans un décor très élégant, juste à l’angle de cette statue de Jeanne d'Arc longtemps célébrée par l’extrême droite tous les 1er mai. Mais cet endroit représente quelque chose de bien différent, pour vous…

Alain Villain - Dois-je vraiment parler de ces choses, personnelles ? Est-ce bien nécessaire ? Mon père était allemand et né à Berlin, ma mère d’origine roumaine, mais née à Berlin, aussi : dans les années où Hitler est arrivé au pouvoir, mes deux parents y vivaient. Dans les familles, il était habituel d’organiser des surprise-parties, des rencontres arrangées : voilà comment ils se sont connus.

Mon grand-père maternel, Karol Vascoboïnic, roumain et juif, a quitté son pays pour émigrer jusqu’à Berlin. Consul de Roumanie à Berlin, et plutôt bien informé sur la tournure que prenaient les événements, il a décidé que ses enfants quitteraient Berlin pour s’installer en France, à Paris pour être à l’abri. “ Maintenant vous rentrez en France ! ” a-t-il dit, un peu comme si la France avait déjà été pour lui un pays de refuge. Cet hôtel Regina a donc été l’endroit où ma mère, Renata, a vécu quelque temps, avec sa sœur quand elles se sont réfugiées en France, à Paris, en 1934. Mon père les a rejoints peu après et ils se sont établis en banlieue parisienne, à Fontenay-sous-bois. Mes parents sont mariés en France, en 1936.

YR - Villain, c'est le nom de votre père, V-I-L-L-A-I-N. Ce n'est pas très allemand comme nom !

AV - Mon père s’est soucié de retrouver ses origines. Il a fait le voyage en vélo de Berlin jusqu’à à Mons en Belgique, pour retrouver la trace de nos ancêtres : des huguenots. Cette famille Villain avait émigré vers le nord de l’Allemagne au moment de la révocation de l’Edit de Nantes.

YR - Votre père parlait-il bien le français ?

AV - Il avait appris un français d’excellence en Allemagne en faisant ses études au Collège Royal de Berlin, qui existe toujours, collège qui avait été créé par les Huguenots. D’où sa maîtrise parfaite de la langue française.

Renata et Pierre-Siegfried Villain, Montivilliers, 1939

YR - Vous-même, où êtes-vous né ?

AV - Moi, je suis né en France, sous les bombes, à Montivilliers près du Havre, en 1940. Dès son arrivée en France mon père a rejoint la Sorbonne et s'est rapproché du Professeur Edmond Vermeil, grand maître de la germanistique française à l’époque, devenu par la suite mon parrain. Vermeil était protestant lui-même, ami de Romain Rolland. Mon père a obtenu son diplôme à la Sorbonne et Vermeil est devenu dès lors notre protecteur. Ma mère aussi donnait des cours d’allemand à la Sorbonne. Elle aurait sans doute pu, même professionnellement, davantage tenir tête à mon père.

YR - Quel couple formait vos parents ?

AV - C'était un couple d’allemands bien assorti : lui était un beau blond, répondant aux critères du bel aryen, elle, brune, latine !

Après l’arrivée en France, les choses se sont compliquées. Mon père se trouvait dans une situation inconfortable en tant qu'Allemand: il aurait dû être enrôlé dans la Wehrmacht, et était donc, pour l’Allemagne, un déserteur. Tous les étrangers, réfugiés, durent se rendre à la Préfecture pour déclarer leur identité.

YR - Parce qu'il était Allemand ?

AV - Oui ! Parce qu'il était Allemand et qu’il était tenu d'avoir une carte provisoire de résident. Par la suite, en 1939, selon les injonctions de la Préfecture de police placardées sur tous les murs de Paris, les allemands et autres étrangers (Walter Benjamin en était) devaient rejoindre le camp de rassemblement Colombes où ils étaient regroupés. Ce jour-là, pour être sûr d’être à l’heure, mon père a pris un taxi ! Puis, il a été transféré dans un autre camp, à Marolles, là où la Légion étrangère recrutait quelques soldats supplétifs. Après avoir servi la Légion, notamment à Sidi Bel Abbès en Algérie, ces étrangers ont été priés de retourner dans leurs foyers. Mon père était apparemment très discipliné : son capitaine lui a signé un bon de sortie le décrivant comme quelqu'un de très fiable, quand il a quitté la Légion ! Quand il était à Sidi Bel Abbès, mon père a demandé à l'administration française, à ce que ma mère puisse être aidée. Non pas privilégiée, mais aidée, étant entendu que j'étais né sur le sol français.

Elle se trouvait seule avec moi à Montivilliers. Après des allers et retours vers Paris, elle a décidé de passer la ligne de démarcation durant l'hiver 1940-1941.

Comment mes parents se sont-ils retrouvés à Montpellier, je ne sais pas, cela ressort du miracle. Nous étions en zone “libre” Mes parents étaient théoriquement à l’abri, protégés, à Montpellier où ils gardaient une maison. Mais la situation a bientôt changé. La zone libre ne l’était plus vraiment. Les Allemands sont arrivés, s’infiltrant partout, et ont commencé la chasse aux Juifs et aux étrangers. Et là, autant pour mon père, qui était un allemand, étranger et déserteur, que pour ma mère qui, elle, était juive, la situation devenait très périlleuse.

À gauche le pasteur Laurent Olivès ( couverture d’un film que lui a consacré Alain Villain). À droite, le livre “Cévennes, terre de refuge 1949-1944) publié sous la direction de Philippe Joutard aux éditions Nouvelles Presses du Languedoc. Sur la photo au centre, le petit garçon est Alain Villain.

Il a donc fallu aller ailleurs.

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