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INDUSTRIE (?) CLASSIQUE

Misère de la distribution numérique dans le disque classique

Dimanche 31 août 2025

Yves Riesel
août 31, 2025
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J’ai écrit cet article à la suite de plusieurs échanges avec des abonnés à Couacs Info qui me demandaient avis et conseil.
J’ai été étonné de constater à quel point ils connaissaient peu les arcanes par lesquelles passaient leurs productions ou les productions auxquelles ils participaient, ou qu’ils avaient financées.


GLOSSAIRE DES TERMES PRINCIPAUX

  • DSP = Digital Service Provider. C’est-à-dire les plateforme de téléchargement ou de streaming . Exemples : Spotify, Apple Music, Presto Music, Qobuz…

  • Distributeur numérique ou agrégateur : c’est le “grossiste” ,à qui les labels confient leur catalogue pour livraison aux DSP’s. Le distributeur numérique ou agrégateur fournit à la suite des comptes-rendus de vente. Acteur inévitable dans la distribution numérique, le distributeur numérique a développé des “tuyaux techniques” sophistiqués avec les DSP’ : la musique, les informations, les prix etc. Il y a quelques nuances parfois entre le service fourni par un agrégateur, généralement “brut”, et le distributeur numérique qui intègre théoriquement davantage de marketing. Exemples de distributeur s ou agrégateurs: Believe, The Orchard, CDBaby, Idol. A noter que les Majors sont leurs propres distributeurs et ont racheté par ailleurs aujourd’hui une grande partie des distributeurs numériques.


Surproduction de disques classiques

En France, il n’y a pas de problème de production dans le disque classique sur le plan de la quantité. Pour l’instant, moins le disque classique se vend ou se valorise, plus il est financé par des subventions issues des budgets de fonctionnement des institutions, des sociétés civiles, du Centre National de la Musique, du sponsoring, etc. Seule une minorité de parutions est réellement financée par un éditeur, car c’est devenu économiquement impossible. La plupart des disques s’apparentent à un compte d’auteur complet ou partiel. Comme au temps du Far West, on ne trouve pas souvent de l’or dans le disque classique ! Pourtant, il semble que les ingénieurs du son, directeurs artistiques et graphistes ne soient pas à plaindre : eux ont du travail et sont payés, de la même manière que les chercheurs d’or faisaient la fortune des vendeurs de pioches et de pelles. On pourrait aussi soulever une question qui m’apparaît évidente : la question du « format » du produit numérique. Tous les enregistrements ne sont pas ou ne devraient pas être des disques. On y reviendra dans un futur article.

Disparition de la distribution physique

La distribution physique a pratiquement disparu. Dans les magasins qui subsistent, notamment la chaîne française bien connue, les disques sont depuis plusieurs années confiés en dépôt par les éditeurs. Ces derniers sont payés sur relevé et doivent financer non seulement leur stock primaire, mais aussi les inventaires présents dans les magasins. Ce système crée des complications logistiques majeures et immobilise des capitaux importants, encore plus pour les répertoires protégés où la SACEM est payée en amont sur les quantités pressées. Ce modèle ruineux ne peut être supporté que par les Majors ou les structures indépendantes qui ont les reins solides. Aujourd’hui, en somme, on paie pour être encore présent en magasin. Pour un label indépendant naissant et novateur, c'est pratiquement impossible. Rétrospectivement, j’avoue être heureux d’avoir dû fermer Abeille Musique en 2014, avant d’avoir à vivre une telle agonie.1

La distribution numérique du disque classique ne peut pas faire lit commun avec la Pop

Sur le sujet de la musique dématérialisée, et du streaming en particulier, les innombrables articles de la grande presse, la mise en cause, voire le boycott de Spotify, les débats pipés sur l’IA ou les calculs révélant « le prix moyen payé par stream » procèdent d’un bavardage mal informé. Tout cela repose sur une vision globalisante, moyennée et donc erronée d’un marché dont les logiques économiques diffèrent radicalement selon les genres musicaux. La vente physique, sous forme de CD ou de vinyles, permettait à chaque label de fixer son prix, de façonner son réseau de vente et de maîtriser ses revenus probables — modulo succès et échecs. En bref, elle permettait de maîtriser son modèle économique. Ce n’est plus le cas avec la distribution numérique. Avec le passage au streaming, la musique classique et les genres spécialisés ont été dépossédés de leur droit légitime à la segmentation. Depuis lors, ils subissent le diktat du modèle économique de la pop. La distribution numérique ne sait pas leur dire grand-chose d’autre que de se caler sur les méthodes de popularité des réseaux sociaux les plus superficiels pour y devenir populaire en justifiant de nombreux followers. Si par chance vous y parvenez, elle vous offrira une place sur une playlist, déclenchant des revenus bénis de quelques centaines d’euros pour une piste d’album vieille de 20 ans que vous aviez oubliée, choisie par un algorithme sans explication. Pendant ce temps, votre dernière et audacieuse nouveauté ne vous rapportera rien et n’aura pas de visibilité car absolument rien, rien de rien, n’est prévu pour monétiser une symphonie d’une heure en quatre mouvements !

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