Lettre #89 de Couacs.info
Dimanche 19 janvier 2025. Se souvenir de Noël Lee | L'offense faite à Rodophe Bruneau-Boulmier | Jean-Philippe Thiellay, sur le départ, nous la baille belle. Dans la discothèque de Qobuz : nouveautés.
Noël Lee, une vie en musique
À l’occasion du centenaire de la naissance du pianiste et compositeur Noël Lee, son ami Alexandre Tharaud a ardemment œuvré pour le célébrer, et favoriser plusieurs rééditions discographiques, en particulier une admirable intégrale des Sonates de Schubert (avec les Impromptus et les Klavierstücke) éditée en 1969 et 1972 sur son label Valois.
Alexandre Tharaud m’a permis de reproduire les deux textes qu’il a écrit pour la réédition du coffret numérique Schubert d’une part ; et pour la compilation “Le piano d’une vie” éditée par Arion, qui regroupe quant à elle un florilège des disques de Noël Lee chez Arion, que ce soit en solo ou quatre mains avec Christian Ivaldi, avec Bernard Kruysen et tant d’autres… J’y ai joint un aperçu des éléments discographiques, nombreux, disponibles en ligne.
L’offense faite à Rodolphe Bruneau-Boulmier
Rodolphe Bruneau-Boulmier m’a littéralement assailli sur Messenger depuis un article du dernier Couacs.info qui décrivait sans injure ni diffamation la constitution autour de sa personne d’un réseau dans le métier de la musique classique. Ce n’est pas un crime, le réseau, et pas davantage, en miroir, d’en observer et souligner la constitution, ce que j’ai fait. L’objet de la liberté de la presse et de la liberté d’expression consiste à ne pas se signer devant les pouvoirs. Mais de mauvaises habitudes sont prises, dans nos milieux, tant l’exposition dans les médias est devenue difficile, les opportunités rares. Alors on se tait, on n’insulte pas l’avenir : on aura bientôt un disque à promouvoir, un concert à annoncer, ou à placer.
Notre présentateur radiophonique-compositeur-éditeur-de-disques-directeur- artistique-d’une-fondation-mécène supporte mal qu’on rappelle ses nombreuses casquettes. Est-ce mon style qui le dérange tant ? Celui de ses messages était moche, d’une perfidie digne d’un Drag-Queen à qui on aurait volé son Kinder Bueno. Mon Messenger sonnait sans cesse toute une journée et son lendemain : j’ai fini par bloquer Rodolphe Bruneau-Boulmier sur mes réseaux sociaux, et sur Couacs, où il disposait d’un abonnement de courtoisie. Ouf.
Dans ses messages, Rodolphe Bruneau-Boulmier pointait en particulier que toute ma vie n’aura été qu’un grand échec à répétition, une longue suite de ratages dont il dit avoir les éléments de preuve grâce à ses amis visiblement pas très bien informés. Je lui accorde qu’on ne réussit pas tout, dans sa vie ; mais je préfère de loin mes échecs et déceptions à ce qu’il considère probablement être ses succès ; et je n’échangerais pas mon sort avec le genre de réussites qu’il vise.
Jean-Philippe Thiellay, sur le départ, nous la baille belle
Le site de Diapason publie un bon article de Vincent Agrech sur la non-reconduction de Jean-Philippe Thiellay à la tête du Centre National de la Musique. J’en recommande la lecture, qui est en accès libre. L’article analyse du point de vue du classique la situation et apporte des éclairages ( couacs.info avait plusieurs fois averti) en donnant la parole à l'ancien Président du Centre National de la Musique, qui y vide un peu son sac. On y voit clairement et de son propre aveu, qu’après la période du COVID, paradoxalement bénie pour le CNM, Thiellay s’est retrouvé coincé, déclarant sans cesse sa flamme à une “filière” qu’il caressait dans le sens du poil au point de s’exposer (le pauvre, on le plaint), dans toutes sortes de concerts de rap et de pop-mauviette.
Mais, il faudrait le comprendre une bonne fois pour toutes, de “filière musicale” il n’y a point, ailleurs que dans la tête des politiques et dans les statuts de ce CNM : chacun roule pour soi (par répertoire, par métier : musique dite vivante contre musique enregistrée) ; les répertoires de variétés font la loi et n’envisagent en particularité aucune solidarité avec les répertoires culturels. Mais Thiellay continue de faire semblant de croire à une “filière” qui l’a éjecté pourtant. Ayant promis une aile protectrice à son répertoire de prédilection, le classique, constamment suspecté par nos amis de la pop sur son profil classique, il ne pouvait que trébucher sur le manque de financement de son ambition. C’est exactement la raison pour laquelle j’ai été si souvent sceptique et critique à l’égard du CNM pour les métiers du classique et les illusions qu’il entretenait. La suite risque d'être pire maintenant, et le classique de s’en prendre plein la tête de tous côtés. Thiellay a déplu, mais de manière contre-productive. Il avait aussi peu de majorité que Michel Barnier, était tenu par ses influents affiliés, qui ont eu sa peau. Il a commis aussi pas mal de maladresses, à commencer par construire un château un peu trop voyant. Il lui faudrait relire “Fouquet ou le soleil offusqué” de Paul Morand.
On ne tire pas sur une ambulance, et j’en étais là de mes réflexions quand j’ai réalisé que Thiellay, typique du personnage, mettait en scène son départ par une sorte de tournée-promo, après avoir fait publier par ses services un opuscule à la gloire de l’institution qu’il quitte, c’est-à-dire à sa gloire, à laquelle les indulgents souscriront probablement. Pour les passionnés, il faut lire, aussi, sa tribune dans Libération où il semble poser le CNM en victime de ceux qui souhaitent la réduction du nombre des agences de l’Etat. Or, il me semblait avoir compris que par son statut le CNM n’en était pas vraiment une. Et puis, vous écouterez peut-être aussi France Musique lundi 27, dans la Matinale de Jean-Baptiste Urbain : le plaidoyer va continuer et je ne suis pas certain qu’il y trouvera des contradicteurs. Franchement, il nous la baille belle.
Il est heureusement en accès libre. J’en recommande vivement la lecture. On y trouve certes, comme souvent dans ce genre de rapports, des incompréhensions technocratiques des magistrats sur les métiers de la musique, et aussi des traces évidentes de lobbying et d’idées reçues ; mais on y lit surtout la description clinique d’une situation inquiétante pour l’avenir du CNM compte tenu du contexte actuel, et qui révèle tout ce qui y clochait depuis le début. Ce document constitue un bon contrepoint au document d’auto-promo publié par l’institution, mentionné plus haut.
Dans la discothèque de Couacs #89
Amilcare Ponchielli est l’auteur de La Gioconda, bien connue. Mais il a aussi composé un opéra I Lituani créé à la Scala de Milan en 1874, dont le label Accentus nous livre une version bien chantée, bien dirigée et bien enregistrée, le tout avec un livret numérique parfait (en anglais), des forces lituaniennes et le concours financier du gouvernement de ce pays. L’action se passe au XIXème siècle en Lituanie, ou un nommé Walter se fait passer pour le chevalier teutonique Corrado Wallenrod, afin de gagner la confiance des Teutons et mieux les perdre face aux Lituaniens, nos amis européens, fortement opposés à Poutine, et qui disposent là d’un bel étendard ! Vivement recommandé, vous passerez un bon moment.
Il manque peut-être au nouveau disque-récital de David Kadouch un gay flag sur la couverture et quelques photos de notre pianiste à la gym, dans le livret. Mais en revanche, très bon texte d’Hervé Lacombe. Une anthologie de pièces ravissantes, émouvantes ou profondes de compositeurs homosexuels ou lesbiens. Chez MIRARE. La famille Martin va se faire gronder par son évêque !
Un beau disque Fauré, bien composé (Pelléas et Mélisande, extraits de Prométhée, Schylock, Mélodies avec orchestre) , sous la baguette du français Jean-Luc Tingaud, qui fait son bonhomme de carrière, ici avec l’Orchestre National d’Irlande. C’est le deuxième de la série, après un album consacré précédemment au rare Concerto pour violon (avec Pierre Fouchenneret), à l’Ouverture de Pénélope et autres pièces.
Les autres albums recensés figurent dans la suite de l’article : pour les découvrir, cliquez :
Les mots de la musique
Je n’ai pas signalé jusque là ma modeste contribution à un ouvrage collectif paru en octobre dernier chez Fayard, dirigé par Franck Medioni : “Les mots1 de la musique - 222 musiciens du XXe siècle par 222 écrivains”. Écrivain, c’est un bien trop grand mot en ce qui me concerne, mais j’ai pris plaisir à évoquer dans ce texte l’idole pianistique de mes jeunes années. En recevant le livre, j’ai découvert les autres contributeurs, pour certains prestigieux, portraitisant chacun les artistes de leur vie.
J'insiste sur l’orthographe, pas d’erreur, hein !