"When the shit hits the fan" à Radio France et dans l'audiovisuel public
Rachida Dati a défoncé en direct sur France Inter Radio France et sa Présidente ! Que ça fait du bien... même si hélas, tout serait à revoir...
Un article de la Lettre du Musicien nous alerte cette semaine des possibles conséquences sur France Musique des économies imposées à Radio France — assez conséquentes : près de 24 millions d’euros — mais aussi des dangers du issus de la fusion du service public radio-télé telle que claironné par Rachida Dati ou ceux de la décision de supprimer des émetteurs à France Musique.
Dans une interview récente à la Matinale de France Inter, la Ministre de la Culture a étrillé de manière savoureuse, en direct, la Présidente de Radio France et l’antenne sur laquelle elle s’exprimait. Il paraît que les deux femmes se sont ensuite prises de bec à la sortie du studio.
On croit comprendre que Sibylle Veil n’est pas la candidate préférée de Rachida Dati pour un prochain mandat : rien que pour une telle décision, quant à moi, en reconnaissance, je pourrais voter Dati aux prochaines élections municipales à Paris ,si j’y habitais ! La première réaction est en effet la jubilation de voir enfin bousculée l’autosatisfaction institutionnalisée proipre à Radio France dont chaque voix, celle du plus modeste assistant de production comme celle de la Présidente, comme celle des syndicats “maison”, porte de manière harmonieusement polyphonique, en écharpe, la grandeur de la mission de Radio France et la fierté d’en être.
Là où les opposants à la réforme ont raison, c’est que la logique de la fusion n’est pas claire du tout. Et même si elle était de nature seulement gestionnaire, il n’est pas certain que des économies en découleraient, en effet.
Là où Rachida Dati et tant de droitards ont raison au moins sur la forme, c’est que Radio France est devenu un grand camp de rééducation souvent insupportable pour les auditeurs, non pas sur les émissions d’actualité ou de politique, mais sur tout le reste : comiques trop souvent lamentables, répétitifs, considérations sociétales imposées à temps plein, mentalité ouin-ouin avec cette parole prétendument donnée aux auditeurs, en vérité qui l’est de moins en moins, dans la Matinale par exemple, et bien sûr ultra filtrée. La lecture de la Lettre de l’insupportable “Médiatrice” illustrera mon propos.
La dispute entre la Ministre et le Service Public de la radio (Delphine Ernotte, Présidente de France Télévisions ayant été reconduite ) est incompréhensible surtout parce qu’on ne voit pas bien en quoi ces deux là ne sont pas d’accord, au-delà de la détestation personnelle, compréhensible, de Dati pour Ernotte. Je ne vois pas en quoi le Radio France de Ernotte, qui vise de plus en plus bas, a de quoi déplaire aux injonctions de Dati sur le rajeunissement ou le “s’adresser à tous” contemporain. Quand Dati reproche à Radio France un auditoire vieillissant malgré ses succès d’audience, on a envie de lui rétorquer qu’en 2025 les jeunes gens ne manquent pas de médias privés propres à les distraire ; et qu’à Radio France il faudrait promouvoir au contraire des contenus bien différents, plus sobres voire rigoureux et stricts, celles de l’éducation populaire, sans flaflas, sans aucun soucis de l’audience mais le seul soucis de la qualité et du patrimoine, pour offrir des programmes utiles qu’on ne trouve pas ailleurs.
Les temps ont certes changé et on n’est plus au début des années 60 quand le Général inaugurait la Maison de la Radio, et on n’y reviendra pas.
Mais la radio publique a aujourd’hui les mots et les manières du commerce et sur toutes ses antennes, que ce soit à France Culture, à France Musique ou à France Inter où le critère d’invitation d’un artiste repose constamment sur ses succès dans les réseaux sociaux.
Je ne crois pas que la baisse de crédits de France Musique soit un vrai problème. On pourrait faire mieux avec encore moins, si on travaillait sérieusement et sans ambitions populistes inutiles. Le problème, c’est que les injonctions de Madame Veil, devançant les désirs du populisme politique ont conduit les responsables de France Musique a faire, mal, une course à l’audience dont le résultat est une très modeste progression, mais une grave destruction des qualités de son antenne, et de ce qui était sa singularité. Et cela avec un nombre d’émetteurs bien supérieur à Radio Classique, la radio qu’elle singe. Exit la chaîne musicale exigeante, bonjour les bouffons si heureux d’apparaître de temps en temps à la télé, aux Victoires de la Musique, avec l’étiquette du placard à balais France Musique. Quand France Musique détruit sa maison, ce qui est détruit est perdu à jamais. À cet égard, Marc Voinchet restera comme le fossoyeur historique dont l’œuvre est hélas pratiquement achevée et irréversible.
La convergence des antennes de Radio France par “plateformisation” est autre une catastrophe à laquelle nous conduit incidemment une politique numérique rendue à elle-même, sans contrôle.
D’abord, que ce soit à Radio France ou à France TV, la publicité inonde les émissions écoutées en replay ou en podcast.
On nous parle de “marques” pour chacune des stations : ce jargon “Mamie fait du business” est pénible et de plus incohérent avec ce qu’on entend.
Oui, les différentes stations de Radio France devraient être des “marques” comme ils disent, fortes, séparées, et répondant à des fonctions dissemblables, se tenant sur des rails différents et se croisant peu sauf par le partage des moyens techniques et de la gestion. Car la mission du service public est de faire ce que les stations commerciales ne feront jamais.
La convergence de fait entre les sujets et le style des émissions de France Inter et de France Culture par exemple saute aux yeux aujourd’hui. Quant à France Musique, elle n’a plus aucune émission un tant soit peu savante confiée à des musicologues. Les concerts publics gratuits exigenats, nombreux jadis, ont disparu au profit d’une seule émission le samedi après-midi qui est l’équivalent des émissions promotionnelles de la semaine, mais avec des bouts de musique en direct. Quant à l’appel à l’expertise de France Musique en interne, pour telle émission de France Inter ou de France TV au nom de la convergence des talents, il est est discutable : chaque antenne devrait avoir sa politique bien dissemblable pour parler de classique, comme de littérature ou de philosophie d’ailleurs. On ne devrait pas y parler et y traiter les sujets de manière semblable.
Au contraire de solidifier des marques, on fabrique en vérité de la porosité sous l’aile numérique unique de Radio France, où la thématique des émissions et leur présentation est de plus en plus interchangeable au contraire. Si vous utilisez l’application Radio France, vous constaterez à quel point il est difficile de savoir sur quelle chaîne (sur quelle “marque, qu’ils disent !) on se trouve. Il est à craindre que cet éparpillement des singularités conduise à la suppression de certaines de ces marques. C’est ce qui se passe à France TV : sous peu, au prétexte de “plateformisation”, on va bientôt supprimer le logo de chaque chaîne en haut à droite de l’écran au profit du seul logo France TV !
On nous explique que Le Mouv’ semble devoir disparaître. Pas bien grave : cette station n’aurait jamais dû être créée, puisque sa mission n’était que trop bien remplie par les radios commerciales, dès sa création.
Je ne vais pas radoter davantage sur la destruction de la musique à France Inter, dont les responsables sont Sibylle Veil, Didier Varrod et Laurence Bloch — celle-là même à qui Rachida Dati a récemment demandé un rapport sur la réforme de l’audiovisuel public ! Ça promet.
Enfin, historiquement, Radio France s’est vu confier le soin de formations musicales importantes dédiées à la musique classique : deux orchestres, un grand chœur, une Maîtrise, et des moyens techniques afferants, des studios, des personnels qualifiés… D’ailleurs, on n’a toujours pas de nouvelles du Studio 105 où se déroulaient avant les travaux à Radio France tant d’émissions publiques. On observe chaque jour comment ces moyens classiques, dont l’envergure et l’ambition divergent de plus de la radio populiste qui nous est servie ; ces moyens qui ont été confiés un jour aux bons soins de Radio France, sont dévoyés au profit de la pop. Pourtant, dans l’article de la Lettre du Musicien, le syndicaliste CGT Bertrand Durand ne voit pas le moindre problème, pas davantage qu’il semble considérer recevable l’évocation, par la journaliste, du montant des cachets des chefs nommés à la tête des ensembles symphoniques. Le corporatisme interne des musiciens du rang me semble ici poussé à l’absurde quand par ailleurs on emmerde l’auditeur par des grèves fréquentes, motivées par les salaires et les conditions de travail des prolétaires de la maison.
Sur sa mission de production de musique classique, on devrait sérieusement mlettre en cause :
La politique de “tubes” à laquelle souscrit Radio France pour remplir ses salles, qui se trompe lourdement en se posant en concurrent des orchestres parisiens
L’absence de politique sérieuse de Radio France dans le domaine discographique - à comparer avec les radios anglaises et allemandes. On n’aide pas à la production de disques, Quelques rares parutions de labels maison sont illisibles, sur leur raison d’être. Et cela dure depuis très longtemps.
La programmation, qui laisse de côté des pans énormes du patrimoine symphonique français et ne revisite jamais les propres création de la maison il y a 40 ou 50 ans
la politique d’invitation des solistes, répétitive, sans imagination, soumise aux lois du show-biz classique
Enfin, il y a le problème de l’INA.
Si un jour le service public audiovisuel venait à être redéfini, il faudrait demander à l’INA de faire les arbitrages internes pour que soit enfin repris le travail numérique sur les archives classiques qu’elmle détient, qui est en pnne depuis la première impulsion sous la gouvernance d’Emmanuel Hoog. Nous sommes privés de l’accès aux immenses archives des antennes du service public dont l’INA a la garde, l’exclusivité maius aussi le devoir de les rendre accessibles avec les moyens de 2021. Plutôt que de s’acharner à rééditer de veiux épisodes noir et blanc de Thierry la Fronde sur sa plateforme Madelen qui est un échec, plutôt que penser qu’elle parviendra à faire du “B2C”, plutôt que de vendre des formations ou payer de sgens pour faire des revues de presse qui ne servent à rien, l’INA devrait trier, clearer et rendre disponible ses archives sonores et audiovisuelles, qui fuitent d’ailleurs régulièrement sur Youtube dans une qualité précaire. La fusion de l’audiovisuel public serait une bonne chose si l’INA, pour tout dire, n’était plus un centre de profit revendant aux radios et télévisions publiques leur propres archives, ce qui est un comble. Or, ces archives ne devraint pas dépendre du bon vouloir de tel ou tel producteur de France Musique ou France Inter et pas plus du succès peu probable de Madelen, mais devraient être offert sur la plateforme publique de Radio France ou France Tv ou les deux, quitte à proposer un accès payant.
Mais Laurent Vallet, le Président de l’INA, a depuis peu été reconduit. On suppose donc qu’il donne satisfaction et que tout va bien à l’INA….