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Un contre-exemple
J’allais écrire un post sur le thème “Pourquoi tant de premiers disques” comme suite à l’écoute attentive, avec un a priori plutôt sympathique, du énième premier disque peu signifiant d’un jeune pianiste ayant remporté je ne sais quel prix, et l’estime générale.
Et puis, j’ai réalisé avoir noté dans mon agenda que le pianiste Alexander Malofeev, déjà évoqué ici, allait donner un récital Salle Gaveau à Paris dans quelques jours, vendredi prochain 10 novembre :
Chaque année nous le ramène différent et fidèle à ses promesses. Son charisme est remarquable : il y a longtemps qu’on n’avait pas découvert pareil phénomène. Ce n’est pas seulement une question d’esthétique ou de charme personnel : il aime le public et le montre, il aime jouer, il est gourmand de concerts et d’aventures, il ne coupe pas les cheveux en quatre, ne fait pas la gueule pour avoir l’air intello ou torturé.
Ce garçon possède un talent éclatant qu’on voit éclore peu à peu. Il est une sorte de contre-exemple pour beaucoup de débuts de carrière actuels et réussit jusqu’à présent vis-à-vis du public, ce qui est le plus important, le parcours le plus singulier qu’on ait vu depuis longtemps. Consultez ici son agenda de concerts pour juger de sa carrière.
Il n’a pourtant rien fait comme les autres, chez nous. N’a pas suscité de coterie, ni l’enthousiasme critique exagéré que certains de ses jeunes contemporains apprendront par la suite à regretter. Aucune fée prestigieuse ne l’a ici bruyamment adoubé. Voilà certainement pourquoi en France les promoteurs de concerts ne le “calculent” pas, ou si peu, ou pas encore. Il ne semble pas même être dans les petits papiers de la Philharmonie de Paris. Point de concert en vue à l’Orchestre de Paris, et à aucun orchestre de Radio France. mais à Strasbourg heureusement, bientôt. On se demande où les personnes payées pour programmer feraient leurs courses, si la boutique de Jacques Thelen, une sorte de Michel Glotz sans Karajan, venait à fermer.
Pourtant, à seulement 22 ans Malofeev a accumulé plus d’expériences désormais, plus de concerts, plus de succès avec les meilleurs orchestres du monde que la plupart des estropiés dont nous bassinent la presse musicale, les médias et même ce bon Monsieur Martin, qui l’a fait jouer l’année dernière dans une série pour jeunes en vrac, avant de se raviser cet été en lui donnant la grande scène — mais toujours avec cette fâcheuse, vicieuse dilection à obliger sur sa plaquette les plus grands talents à nager dans les mêmes eaux que des ratés ou des chevaux de réforme.
J’observe une chose, surtout, et que je trouve singulière : il n’a pas fait de disque, lui ! Peut-être la période du COVID l’a-t-elle menée vers d’autres choix judicieux. Son début de carrière très précoce (vous trouverez des traces vidéo de son talent dès l’âge de 12 ans ) n’a pas été de tout repos ces quatre dernières années, entre le COVID et une attitude certainement délicate à adopter pour un artiste russe en passe de devenir célèbre dans le vaste monde, face à la politique extérieure de son pays d’origine. Il aurait pu faire des disques comme tout le monde, ne fut-ce que pour laisser des cartes postales à ses fans assez nombreux. Non. Mais vous trouverez d’innombrables vidéos intégrales de ses concerts sur la toile.
J’ai longtemps détesté YouTube, pour son brigandage généralisé. Il me faut admettre maintenant qu’une vidéo de concert à peu près bien captée vaut mieux qu’un premier disque, tant pour le professionnel qui n’a pas pu se déplacer, lui permettant d’appréhender l’artiste en action — que pour le public, qui sur disque est première victime des mensonges des montages et d’hallucinations marketing.
Pourquoi Malofeev n’a-t-il pas encore fait de disque ? Ce serait une question à lui poser. J’ai le sentiment que ce n’est pas par manque de propositions, mais par le choix d’un parcours artistique avisé, maîtrisé, intelligent, enfin cohérent avec une époque qui en aurait fini avec des pratiques épuisées.
Il reste que. Pour n’importe quel producteur de concerts normalement constitué, désireux d’offrir de l’enthousiasme à son public, visionner une vidéo de Malofeev devrait conduire à décrocher son téléphone et à “booker” illico le jeune artiste. Ce n’est pas encore le cas chez nous. Ça viendra, et la Malofeev-mania avec.
En attendant, allez donc l’écouter à Gaveau vendredi prochain ! Bien triste de ne pas en être, en ce qui me concerne. Superbe programme.
SALLE GAVEAU
VENDREDI 10 NOVEMBRE 2023 - 20H30
Alexander Malofeev, piano
Bach/Feinberg Concerto pour orgue en la mineur (d'après Vivaldi) BWV 593
Alexandre Scriabine Prélude et Nocturne pour la main gauche op. 9
Wagner/Liszt Ouverture de Tannhäuser S. 442
Mieczysław Weinberg Sonate n° 4 en si mineur op. 56
Sergueï Rachmaninov Sonate n° 2 en si bémol mineur op. 36
Réservations : https://philippemaillardproductions.fr/page-33/concert-105/alexander-malofeev-piano.html ou Tél : 01 48 24 16 97
NDLR : Cet article est bien sûr exempt de tout partenariat ou de toute publicité.