Requiem pour la Salle Gaveau
Les journaux nous apprennent que la Salle Gaveau à été vendue à Jean-Marc Dumontet
RECTIFICATIF
26/10/2024
Dans un message SMS Jean-Marc Dumontet me précise qu’il a acheté le fonds de commerce et la marque, et non pas les murs, ce qui explique le montant de la transaction. Sur le reste et sur le fond du orobleme, que la Salle Gaveau doit rester une salle de musique classique et essentiellement une salle de musique classique je ne retire rien de mon analyse. J'ai proposé à Jean-Marc Dumontet de lui adresser des questions à ce sujet et d’en oublier les réponses intégralement
La Salle Gaveau aura échappé à bien des malheurs, y-compris à la démolition : elle n'échappera pas à cet air épuisant du mauvais temps actuel : l’humour.
L’homme qui la rachète, Jean-Marc Dumontier, a beau être un professionnel des salles de théâtre (plus que du théâtre à proprement parler) il n’était pas celui que la musique classique attendait pour Gaveau.
Rien n'est définitif pourtant dans un tel lieu classé monument historique, et notre Salle Gaveau en verra d’autres un jour, j'en suis certains, et de plus heureux et de plus dignes d’elles.
Pourtant, on la croyait protégée par un décor et une disposition en boîte à chaussures difficilement pervertible. Son talon d'Achille était pourtant le suivant : produire des humoristes qui n’ont pratiquement pas besoin de décor la rendait une proie facile pour l'industrie du rire. Nous y sommes.
Sans faire de procès d’intention mais en tirant seulement la pelote des déclarations à la fois prudentes et qui font froid dans le dos de Jean-Marc Dumontet, tycoon des théâtres privés parisiens qui l’a rachetée pour un prix annoncé de 8 millions d’euros, curieusement très très raisonnable (un grand appartement dans le même quartier vaut à peine moins ), il n’est pas trop difficile de voir à quel potentiel avenir est promis notre Gaveau.
D’abord, rappelons que Jean-Marc Dumontet avait en 2014 échoué à reprendre la Salle Pleyel au profit de Marc Ladreit de Lacharrière, employeur fictif de Madame Fillon, et à l’époque pourtant visiteur du soir assidu de François Hollande, l’ennemi bien connu de la finance : Ladreit était le candidat inévitablement gagnant car soutenu par le château. La Salle Pleyel était aussi la victime de la politique folle et dépensière de l’Etat, c’est à dire de la Philharmonie de Paris, dont il fallait faire absolument disparaître toute concurrence classique intra muros, afin de sur-maximiser les chances de succès Porte de Pantin au moment de l’ouverture. C'est ainsi qu’une première salle de concerts classique allait disparaitre. On n’ira pas jusqu’à dire que le scénario est rejoué, parce qu’il est de notoriété publique que Dumontet a des liens très forts avec l’Elysée. Mais...
L’opération nouvelle vient détourner largement sinon entièrement, et scandaleusement la Salle Gaveau de sa seule vocation, la musique classique.
C’est la deuxième salle de concerts classique parisienne qui se trouve désaffectée dans une ville qui n’en possèdera plus qu’une seule privée, la Salle Cortot.
Demain, ce qui se jouera Salle Gaveau sera bien loin du rôle qu’elle devait tenir et maintenir, celle de la seule grande salle de concerts de musique de chambre dont Paris disposait, qui avait certes traîné la jambe depuis 50 ans avec des hauts et des bas, mais qui avait conservé grâce aux qualités et aux défauts confondus des époux Fournier qui viennent de la céder, sa vocation.
Cette cession est une affaire privée, mais aussi une affaire d’Etat, une affaire d’Etat culturel. Elle est passée crème dans un moment politique qui regarde ailleurs, alors qu’elle aurait dû faire débat. La ministre de la Culture aurait du bien sûr s’en mêler pour trouver des solutions plus conformes à l'intérêt de la musique classique à Paris, non pas en faisant porter à l’Etat une salle de plus, (Grand Dieu non !) mais en travaillant à une reprise du lieu avec un projet 100% classique. Si Dumontet voulait posséder et administrer une salle de musique classique pour y faire de la musique classique, il aurait été le bienvenu. Rachida Dati n’a rien fait, et on voit très bien pourquoi.
Quand on connait les capitales européennes, Londres, Berlin, Bruxelles, on ne peut qu'être saisi en regard de la médiocrité du dispositif parisien en matière de salles de musique de chambre propres à y présenter récitals ou ensembles de taille moyenne de toutes les styles.
L’exemple qui vient immédiatement à l’esprit est celui de Wigmore Hall à Londres, qui a factuellement tant de ressemblances avec Gaveau et même une jauge inférieure. Wigmore Hall, salle privée, dispose d’une direction résolue, habile financièrement et qui exploite toutes les ficelles pour faire vivre son lieu. Sa programmation est magnifique et l'œuvre de sa direction : ce n’est pas ce qu’on appelle un garage. Ce qu’il fallait faire de Gaveau c’était ça, en sorte que survive à Paris une programmation alternative et privée à la Philharmonie de Paris citadelle étatique programmeuse qui par définition exclut celles et ceux qu’elle ne choisit pas de présenter. Ceux-là avaient encore un lieu où aller jouer : la Salle Gaveau. Ils ne l’auront plus.
Au lieu de se débrouiller pour mettre en place une direction et s’employer à régler le petit problème de la reprise au niveau financier, l’Etat en fermant les yeux signe la fin de la Salle Gaveau telle qu’elle avait été conçue, et ce pour quoi elle devrait continuer d’exister.
Dans tout le pays existent des artistes et des ensembles de haut niveau largement soutenus par l’Etat ou les régions. Gaveau devait être leur vitrine parisienne, c’est aussi simple que cela, au moyen d’une vraie politique de lieu, ce que Dumontet saura faire, mais avec de tout autres objectifs.
Propriété personnelle d’un couple propriétaire, c’est peu dire que la Salle Gaveau ne disposait pas, et depuis longtemps, d’une dynamique digne d’elle.
Y produire des concerts, ce n'était pas tant de payer cher la location que de se trouver souvent plombé par un manque de cohérence de la programmation, de la structure d’accueil comme de la politique commerciale. Sans mentionner la régie antédiluvienne, d’un personnel technique obtus et d’un système de location sans aucun dynamisme. Tout le contraire de Wigmore Hall cité plus haut.
Ces derniers temps on avait déjà vu des inflexions troublantes dans la programmation de la Salle Gaveau, sous la houlette d’une dame reprise par Dumontet semble-t-il : Marie-Automne Peyregne. Sortie de nulle part, elle fait la belle sur les réseaux sociaux en mode influenceuse photoshopée. Inflexions non pas pour composer une saison de musique classique cohérente et de qualité, mais pour faire bouillir la marmite, avec des moyens plus ou moins heureux : des conférences droitardes à mi-chemin de Valeurs actuelles et du Figaro en passant par Michel Onfray, des soirées musicales kitsch avec des vieilles gloires, vendues aux prix exorbitants, parmi lesquelles surnageaient quand même des concerts produits par des organisateurs privés. Gaveau était devenue une sorte d’opérette consulaire monégasque à Paris.
Attendons la suite.
Sur la Salle Gaveau j’ai quelques souvenirs amusants, qui me remontent et feront l’objet d’un prochain article.
Bof, la salle Gaveau, c’était, entre deux conférences complotistes d’extrême-droite, un récital de piano pour qui parvenait à se rendre dans ce lieu sans se boucher le nez. Dommage pour les artistes, car on ne va pas vers une amélioration, mais qui peut regretter la situation antérieure ?
Cher Yves, tu sais la pensée de Platon: Pour détruire un pays, il faut commencer par s'attaquer à sa musique...Pleyel fut l'annonce du début de la décadence française, dans tous les domaines d'ailleurs, très peu ont réalisé à l'époque, j'étais en première ligne et j'ai appris...Amitiés