1 - La French Music Week
Ce n’est pas parce qu’on pleure, dans le classique, sur ses subventions perdues (ou bientôt perdues) qu’on va refuser les buffets du ministère de la Culture. La récente French Music Week a donc permis aux habituels ravis du métier de se congratuler sous les ors du chef de l’État (un plus !) et de la ministre Rachida Dati (habituel). Si vous êtes « du métier », vous pourrez reconnaître sur la photo ci-dessus les fayots (habituels), au premier rang desquels, à droite, le [ censuré ] en chef de tous les ministres passés ou à venir.
La French Music Week ? Les riches indépendants de la variété en espèrent plus de pognon. Et les paupérisés du classique se sentent honorés d’y avoir vu leurs représentants conviés.
Avec, à la clé, quoi ?
La promesse d’un dispositif de 500 millions d’euros sous forme de prêts ou de fonds propres (pas grand-chose et pas bien précis, car étalé « d’ici à 2030 »), à réclamer à la Banque Publique d’Investissement par des « entreprises rentables » — mais la BPI est une banque, et ne prête qu’à des entreprises rentables ou prouvant qu’elles vont le devenir, ce qu’on ne peut pas lui reprocher. Le dispositif est donc très limitatif pour le classique ou les répertoires culturels.
Et pour quoi faire ?
Pour « innover », ce mot magique depuis 30 ans dans le discours des pouvoirs publics, qui permet aux opportunistes les plus débrouillards, les virtuoses… du dossier de financement, de toujours palper. Et j’ajoute : à l’époque de l’IA où, dans le domaine de la musique, dénicher le vrai point où se situe l’innovation, la disruption qui entamerait et bouleverserait le consensus, on entrevoit très bien les effets d’aubain. J’avoue être pessimiste sur la capacité de l’État ou de ses banquiers à discerner la prochaine licorne : le passé ne plaide pas pour eux. Et le CNM ne recycle pas forcément les meilleurs, sur l’expertise.
Pour « exporter », ce mot également magique, qui fait frissonner de désir les gros indépendants français du disque de variété, ceux qui produisent déjà ce qui inonde vos écrans du service public. Ces entreprises sont rentables à coups de crédits d’impôt et autres aides indirectes. Elles pourront monter encore plus de dossiers pour grappiller davantage d’avantages, envoyer en échange, comme toujours, des artistes chez les ministres pour qu’ils puissent s’afficher à la page ; permettre à ces merveilleux artistes, les Vianney, Jérémy Frérot, Zaz ou autres casse-[ censuré ] aphones aux paroles lamentables, de s’exporter au-delà des Instituts culturels français habituels, sans risque financier. En leur temps, Mireille Mathieu ou Charles Aznavour s’exportaient pourtant très bien, sans aide de l’État.
Tout cela est bien sûr de la poudre aux yeux pour masquer une impuissance de l’État culturel en situation d’apoplexie.
Rien n’y concerne vraiment la musique classique, dont on rappelle qu’elle est en France largement financée par l’État mais dont les produits sont offerts littéralement à une industrie de la phonographie mondialisée, où les Majors et les gros indépendants font la loi, dictent les règles du jeu aux plateformes de streaming, règles que personne ne conteste. Rappelons que la règle des « moins de 1000 écoutes, tu ne touches rien » est passée crème.
Les ex-grands labels classiques français, même domiciliés en France, sont passés sous pavillon étranger mais bénéficient des générosités de l’État en amont, puisque les artistes et les formations instrumentales préfinancent en grande partie sur leurs budgets les enregistrements, et les apportent déjà cuites à ces boîtes aux lettres qui se présentent comme des labels, qui les donnent à leur tour aux plateformes de streaming. Et qui n’ont encore rien inventé de spécifique, n’ont entamé aucune bataille sérieuse, n’ont rien fait pour permettre d’échapper tant soit peu à la situation de non-rentabilité dans laquelle le secteur classique est scotché et semble heureux. “ Un autre modèle ? Non ! Impossible ! Prenons plutôt exemple sur la variété ! ” Et ce conformisme, cette lâcheté est aussi ce qui s’enseigne dans les séminaires, colloques, écoles de formation aux métiers. N’espérons pas de la French Music Week qu’elle ait des idées d’action pour s’y attaquer.
2 - La grève à Radio France
La playlist des grévistes sur France Inter est atroce, pire que d'habitude, sans aucune diversité : rock strident et angliche pour l’essentiel. À huit jheures du matin, on vous scie les oreilles. Ce n’est qu’un symptôme, mais qui en dit long