France Inter : toujours pas de musique classique dans la grille de rentrée 2024
Cette rentrée 2024 est la deuxième programmée par Adèle Van Reeth, qui n’a pas corrigé le tir. Il n’y a donc plus d’émission de musique classique sur la seule radio généraliste de service public. Avez-vous entendu protester sur cette limitation de la diversité musicale un syndicat de musiciens, le Centre National de la Musique, des musiciens, des enseignants, des personnalités, l’un des innombrables sociologues, philosophes ou cultureux invités toute l’année sur cette antenne ?
Pas moi.
De quoi ces applaudissements entre les mouvements sont-ils le nom ? 🤣 🤣 🤣
Au concert, les applaudissements entre les mouvements sont la marque d'un public certes enthousiaste mais bien mal instruit et surtout, indolent. Ils traduisent une écoute non préparée, non informée, superficielle. D'où vient que ces mêmes consommateurs culturels, dans un musée, lisent avec attention les commentaires bavards des commissaires d'exposition sérigraphiés sur les murs et que, face à l'œuvre musicale, ils jugent superflu d'essayer de s'informer avant l'écoute pour apprécier ce qu'ils vont entendre de manière un peu éclairée ?
La musique classique implique quelques clés de compréhension, pas moins utiles et respectables que ceux de la peinture flamande, des sources d’inspiration de Pierre Bonnard ou de l'Art du Mozambique. Il y a belle lurette qu'on ne voit plus beaucoup de vieillards ombrageux ou de jeunes pédants suivre l’œuvre, au concert, la partition sur les genoux. Mais la baisse du niveau de considération pour l'œuvre musicale dans le public bourgeois et/ou senior qui forme quoiqu'on en dise le gros des spectateurs restant, semble flagrante. Ne pas s'offusquer d'une telle situation c’est dépenser des fortunes pour offrir des concerts à des gens qui n’y comprennent pas grand chose. Le déplorer n’est pas réductible à une attitude de mépris des gens "qui savent" à l'encontre de néophytes. Les interprètes eux-mêmes expliqueront avec indulgence en interview qu'ils ne sont pas gênés par les applaudissements intempestifs, parce que…
[ * ] La formule du titre de cet article emprunte à un livre à la con d’Alain Badiou, devenu poncif majeur de la presse, puis passé de mode, même chez Libération !
Lire : https://www.lemonde.fr/m-actu/article/2013/10/04/le-nom-de-quoi_3489266_4497186.html?lmd_medium=al&lmd_campaign=envoye-par-appli&lmd_creation=android&lmd_source=default
Et qu'ont-ils à rentrer chaque année les Artistes ?
La saisonnalité des parutions discographiques, au temps du support physique, privilégiait la rentrée de septembre, puis la période des fêtes avec ses offres spéciales et ses gros coffrets-cadeaux ; et réservait à la rentrée de janvier ou au printemps des parutions souvent moins commerciales, plus austères. Curieusement, la musique dématérialisée, censée tirer l’activité de l’industrie discographique classique, n’a rien changé au calendrier des parutions. En juillet-août ou en décembre les nouvelles parutions se tarissent et il n’y a rien de bien neuf à se mettre entre les oreilles, alors qu’on aurait davantage le temps d’écouter, à cette période de l’année. Mais les maisons de disques concentrent toujours sur la rentrée, entre fin-août et fin octobre leurs plus grosses cartouches, alors que le mode de consommation exclut désormais les cadeaux et abolit la question du pouvoir d’achat puisque les nouveautés ne coûtent facialement plus rien dans le cadre des abonnements de streaming.
Attendez-vous donc dans les prochains jours et semaines à une avalanche de nouveautés sur vos plateformes de streaming, que vous aurez bien du mal à même survoler ; autant de nouvelles parutions, d’efforts et de financements dont la durée de vie effective sera réduite à presque rien. On attend donc le retour de vacances des journalistes et des attachées de presse pour essayer de faire surnager dans un océan de nouveautés en septembre et octobre quelques titres. Car dans cette économie où le client ne paie plus, il n’a plus aucune importance : ce qui importe surtout c’est de s’assurer entre professionnels une subsistance qui s’appuie en grande partie sur des fonds de catalogue — par ailleurs ma présentés, maltraités d’un point de vue éditorial et documentaire.
La réorganisation des plannings devrait être aussi un élément à prendre en compte par les maisons de disques pour accompagner les changements induits par le numérique. Il n’en sera rien, à l’automne 2024, provoquant un encombrement soudain des parutions où surnargeront quelques produits, ceux qui ont les moyens de crier plus fort que les autres. Les plateformes de streaming, qui ne devraient pas confondre l’intérêt de leurs utilisateurs avec les priorités de leurs fournisseurs ne feront pas (manque de marge et donc d’effectifs) le travail de disquaire qui devrait être le leur, c’est à dire le tri fastidieux, et la documentation de ce qui leur est livré en vrac, et à peine annoncé par les distributeurs numériques. Elles obéiront aux priorités qui leur seront dictées et proposeront toutes la même offre visible. On n’a pas idée du b***** qui prévaut dans les livraisons aux plateformes et de l’absence d’outils professionnels qui devraient être mis à leur disposition.
“Ma” curieuse rentrée discographique
D’abord, à tout Seigneur tout honneur, signalons que le volume 14 de l’intégrale Charles Trénet initiée par Daniel Nevers et poursuivie par Pascal Albeher et Vincent Lisita, qui est maintenant disponible sur les plateformes de streaming. Ce n’est peut-être pas le volume le plus extraordinaire de la série, mais il comporte pas mal d’inédits qui raviront les Trénetophiles. Le livret est disponible en libre consultation en PDF sur le site de l’éditeur, Frémeaux & Associés, ce qui est vraiment utile pour comprendre ce qu’on écoute : il est très détaillé, comme à l’accoutumée.
Dans un genre légèrement différent, Warner réédite les enregistrements Erato et EMI de la pianiste française Catherine Collard (1947-1993). En fait, la plupart de ces disques étaient déjà disponibles en numérique sauf les enregistrements réalisés pour la Voix de son Maître et Erato avec la violoniste Catherine Courtois. Vous serez surpris par la qualité exceptionnelle de ce duo. Le legs discographique comporte ici les sonates de Lekeu, Franck, Schumann et Prokofiev. Les deux Catherine, Courtois (née en 1939) et Collard ont donné ensemble d’innombrables concerts. Elles formaient vraiment un ensemble de musique de chambre constitué, et non une rencontre d’occasion. J’ai pour ma part assisté à l’époque à beaucoup de leurs récitals. Instrumentalement, Courtois était impeccable, et les deux tempéraments, bouillants, parfaitement accordés. Ecoutez donc ! Rappelons que, pour compléter la discographie de Catherine Collard, trop tôt disparue, et que personnellement j’ai préféré dans ses jeunes années, il faut écouter aussi un disque de réédition de l’INA, les disques parus chez LYRINX, deux disques magnifiques avec Nathalie Stutzmann parus chez BMG à l’époque, aujourd’hui Sony, et un beau disque des Sonates de Brahms en duo avec la violoncelliste Suzanne Ramon.
Comme COUACS aime faire plaisir à ses abonnés, j’ai un petit cadeau : le repiquage maison d’un disque totalement orphelin, d’un label disparu et introuvable, IRAMAC, étiquette sous laquelle Catherine Collard a publié son premier disque en 1969 ou 1970. Voici le lien pour le télécharger : ne dites à personne que c’est moi qui vous l’ai donné !
Beaucoup de labels indépendants classiques viennent un jour à disparaître, ou à se faire racheter ce qui revient au même. D’autres, plus rares, connaissent une seconde vie intéressante et habilement conduite.
C’est le cas du label Brilliant Classics dont on se souvient que, combiné de rééditions et de productions, il a connu de grands succès avec ses intégrales, celle de Mozart en particulier dans les années 2005-2006 et suivantes.
À lire à ce sujet, dans les archives de COUACS.INFO…
Brilliant Classics a été racheté par la suite, de même que le label Berlin Classics (héritier des magnifiques productions de l’Allemagne de l’Est du label Eterna) par la grosse maison de disques indépendante allemande EDEL, par ailleurs très forte sur son marché dans des genres bien plus pop que classiques.
La cas est vraiment notable car visiblement on a laissé aux responsables de Brilliant Classics la liberté et les moyens de travailler, et la capacité à changer de peau, avec succès. L’argument prix n’existant plus dans le domaine de la musique numérique (on a déjà oublié à quel point les rééditions économiques ou à mid-price étaient un élément essentiel d’animation commerciale au temps du LP et du CD !) Brilliant Classics a emprunté la voie des répertoires souvent inédits, avec une audace remarquable dont témoigne par exemple le florilège de pochettes ci-dessus. Beaucoup de productions sont réalisées en Italie et explorent de manière bien utile le répertoire italien, ou hollandaises visitant le répertoire des Pays-Bas, qui était la patrie d’origine de Brilliant. Les pochettes sont toujours gracieuses. Je pense qu’il s’agit de l’un des labels les plus fascinants à explorer ces temps ci, du point de vue des répertoires. Et les livrets, en anglais, le plus souvent sont très satisfaisants. Dommage que ces disques soient si mal mis en avant par les plateformes. Cliquez pour accéder au catalogue complet du label
“Scintillating Poulenc”
Vous connaissez peut-être le site (en anglais) “Classics Today” qui est l’œuvre entre autres de David Hurwitz, un critique extrêmement drôle dans ses vidéos, mais qui ne plait pas à tout le monde, ce qui est bon signe.
Dans sa dernière lettre d’information, Hurwitz revient curieusement en termes très élogieux sur un disque de… 1997 que j’avais produit, qu’il semble découvrir ou re-découvrir. Et je me permets de vous en suggérer l’écoute au moment où la cathédrale Notre-Dame de Paris va rouvrir.
On y trouve, sous la baguette de Jean-Claude Casadesus avec l’Orchestre National de Lille, un enregistrement réalisé en “live” du Concerto pour Orgue de Poulenc par Philippe Lefebvre, dont on sait qu’il a été injustement chassé de la tribune de Notre-Dame récemment. Et le Concert Champêtre, enregistré à Lille quelques semaines plus tôt en studio avec en soliste la tigresse regrettée Elisabeth Chojnacka (1939-2017) sur son clavecin Pleyel. Ce concert, filmé par Arte, avait été organisé pour coïncider avec le dixième anniversaire de Naxos. Organiser des concerts à Notre Dame a toujours été une aventure particulière et savoureuse, en particulier pour estimer, puisque la cathédrale ne se louait pas, à combien pouvait bien correspondre le manque à gagner des troncs, puisqu’il fallait fermer au public la Cathédrale un peu plus tôt les soirs de concerts pour la répétition. N’ayant pas été éduqué chez les Jésuites, j’ai beaucoup appris de trois expériences successives sous ces voûtes merveilleuses. La mauvaise manière faite à Philippe Lefebvre me fait penser que les bonnes manières y restent complexes.
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