Encore un, bouffé par une Major : le label tchèque Supraphon racheté par Sony
Jeudi 16 janvier 2025
La razzia des Majors du disque sur les plus beaux labels indépendants se poursuit. On a appris ce jour que Supraphon, l’un des plus précieux catalogues classiques, un trésor du disque considéré comme objet culturel, passe à l’ennemi avec armes et bagages. Il faut bien comprendre que seuls les Majors ont aujourd'hui les moyens d’acheter, même pour pas cher. Les règles d'exploitation du streaming, gérées et contrôlées par les Majors et les indépendants de la variété depuis 15 ans ont entraîné la paupérisation des labels indépendants classiques qu’il suffit de ramasser à présent.
Par ailleurs, la rentabilité de la production phono en classique étant proche de zéro, la stratégie des Majors est de mettre leurs billes là où ça rapporte toujours quoiqu’il arrive : la distribution numérique, cette économie de rente qui prend son pourcentage au passage, quoiqu’il arrive et toujours. En classique elles accumulent, à défaut de réellement produire. On constate déjà, par exemple, que la production de Hyperion, racheté par Universal est en train de s’éteindre : un seul disque au mois de janvier (mais très beau, je dois dire).
Dans la famille des indépendants, qui ne pouvait pas survivre sans structure de distribution autonome et dédiée, c'est l'immense, le cruel échec du groupe Naxos et de son fondateur que de n'avoir pas tenu leur promesse implicite de proposer aux indépendants une alternative de distribution adaptée au disque classique : ils étaient les seuls, à un moment, capables de le faire, et ils ont laissé à la place un champ de ruines.
On a appris aussi il y a quelques semaines que Universal Music s’apprêtait à racheter pour 775 millions de dollars Downtown Music, une groupe qui possède des distributeurs numériques tels que CD Baby ou Fuga. Les labels indépendants qui avaient choisi ces sociétés pour leurs distribution sont maintenant otages d’Universal et sans grande alternative, au train où vont les choses. Rappelons que Universal a complété son rachat intégral de PIAS, qui possédait hamonia mundi.
Mais bon, ne pleurons pas : Supraphon appartenait déjà à un groupe davantage axé sur la variété. Les actifs ne vont pas disparaître, d'autant que le travail de réédition numérique sur ce label sans être totalement achevé, est déjà en grande partie réalisé et nous a rendu quantité de merveilles ces dernières années. Pour le futur, c'est-à- dire pour la survie de la production, on est plus sceptique. Reste que, il vaut mieux mieux selon moi tant qu’à faire, pour la diversité, que ce soit Sony Music qui rachète, plutôt que Universal ou Warner. Accessoirement, le label était distribué numériquement (pas très soigneusement) au niveau mondial par les gens de chez Believe qui perdront au passage l’un de leurs plus beaux distribués. Beaucoup de mélomanes traînent encore les pieds, nous dit-on, pour passer au streaming. Il faudrait pouvoir évaluer la responsabilité du mauvais travail éditorial et métadonnées des éditeurs et distributeurs dans ce retard.