Dans la discothèque de Couacs
Mercredi 6 mars 2025 - Supplément à la Lettre de Couacs.info 2025
Les articles sont enrichis de nombreux hyperliens repérables car ils sont surlignés en bordeaux gras. menant vers des sources utiles pour poursuivre une exploration personnelle. Les liens vers la musique renvoient selon les cas vers Prestomusic ou vers Qobuz, deux plateformes de streaming et téléchargement proposant une documentation supérieure à celle de leurs concurrents.
Jordi Savall a invité chez Alia Vox dans sa collection Diversa l’ethno-musicologue Nedyalko Nedyalkov et un groupe de musiciens bulgares de musiques traditionnelles pour un album qui constitue un voyage scotchant dans le patrimoine musical de ce pays. On y découvre des mélodies de groupes ethniques encore vivaces, ou d’autres, disparus. Les instruments eux-mêmes sont peu banals et vous voyagerez dans les mélodies et chants de la Thrace égéenne, de la Gagaouzie (région de Varna et Orestiada), de la région de Shoppe (près de Sofia), de la Valachie, de la région de Pazardzhik, en passant par la musique des bergers itinérants grecs qui habitent les territoires bulgares, des Roms Kopanari…
Extrait du texte du compositeur Georgi Andreev figurant dans le livret :
“ Je qualifierais cet album de « musical-archéologique », car il offre au monde des « artéfacts » sonores provenant de temps lointains et de groupes ethniques peu connus et peu étudiés. Sans aucune « modernisation », « réarrangement », « rénovation » ou « civilisation » inutile, l’interprétation musicale de l’album, son traitement et son approche sont étonnamment proches et identiques à la nature de ce son dans son essence la plus profonde. En utilisant seulement quelques instruments et voix, nous sommes transportés par le son dans des époques et des lieux habités par des communautés ayant des religions, coutumes, traditions, langues, dialectes et racines différents
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Voici la réédition (remasterisée en HiRes) des Études de Chopin enregistrées par le jeune Pollini, pour EMI en 1960 sous la direction artistique de Peter Andry, l’un des plus grands DA des années 1960 aux années 1990, pour EMI, Decca et Warner Classics. Ces Études devaient constituer le deuxième disque de Pollini pour EMI après le succès de son fameux premier Concerto pour piano et orchestre de Chopin dirigé par Paul Kletzki à Londres avec le Philharmonia. Mais sa parution est longtemps restée bloquée par l’artiste qui en était insatisfait. Finalement ces Etudes furent révélées en 2O11, 50 ans plus tard, par le regretté Stewart Brown sur son label Testament : il avait obtenu l’autorisation de l’artiste. Les fans de Pollini, dont je ne suis pas à vrai dire, et qui ne connaissent pas ce disque, ne manqueront pas de le comparer note à note avec la célèbre version Deutsche Gramophone, de douze ans plus tardive. Quant à moi, sans sous-estimer cette belle réalisation mais sans remords non plus, je reste fidèle à Agustin Anievas, à Samson François, à Werner Haas ou à Rafael Orozco…
Le label Chandos possède cette longue tradition de collaborer fidèlement avec des chefs qui, outre le talent, possèdent une énergie et une industrie débordantes ! Dans les années 80 leur tête de file fut Neeme Järvi, puis Richard Hickox. Mais aussi Guennadi Rojdestvenski ou Leif Segerstam. Plus récemment, c’est John Wilson qui a repris chez Chandos le flambeau de chefs prolifiques et souvent défenseurs de la musique britannique, à la suite d’artistes tels Vernon Handley ou Bryden Thomson. John Wilson nous propose ici le premier album d’une série d’enregistrements qu’il consacrera chez Chandos à William Walton (1902-1983), comprenant une suite d’après Troïlus et Cressida, l'Ouverture Portsmouth Point et le Concerto pour violon, qui y est interprété par le jeune Charlie Lovell-Jones, une vraie révélation ! Ce concerto brillantissime avait été commandé et créé en 1939 par le suprême Jascha Heifetz, et remporté dès sa création un grand succès. Heifetz l’a bien sûr enregistré mais Charlie ne démérite pas vraiment !
Stephen Hough, à force de jouer les concertos pour piano des autres a rencontré l’heureuse opportunité d’en composer un ! Il raconte, dans le livret du disque (traduction Couacs.info) :
“ Il fut un temps où être pianiste sans être compositeur, même modeste, était une rareté. Au XIXe siècle, cela aurait été presque impensable. Et la forme du concerto pour piano, de Mozart à Bartók (en passant par Beethoven, Mendelssohn, Chopin, Liszt, Rachmaninov et Prokofiev), était la vitrine de ces pianistes-compositeurs, leur carte de visite lorsqu'ils voyageaient pour donner des concerts, présentant au public à la fois leurs qualités pianistiques et leur personnalité. Une question se pose, au XXIe siècle : comment écrire un concerto pour piano dans l'ombre d'une telle histoire et de tels génies ? […] “
“ Mon Concerto pour piano a vu le jour par la grâce d’un courriel reçu pendant l'une des périodes les plus sombres de la pandémie : aimerais-je écrire une partition pour un film sur un pianiste de concert écrivant un concerto pour piano ? Constatant que mon planning de concerts était désespérément vide pour les temps à venir, la proposition me sembla une merveilleuse façon de m'occuper. Je n'avais jamais songé écrire de concerto, mais les personnages du film me donnèrent une piste : ce devait être l’histoire d’une baronne autrichienne vieillissante et d’un jeune compositeur américain dans les années 1930 ! J'ai donc écrit un thème de valse d'une décadence toute korngoldienne pour la baronne, et j'ai pris les notes blanches et lumineuses de l'Americana de l'entre-deux-guerres pour le jeune homme. Et j'ai commencé à composer. Mais entretemps le projet de film a pris une direction toute différente. Sur mon bureau restait une épaisse pile d'esquisses et beaucoup de matière… pour une œuvre de concert.”
… Voici donc une nouveauté disque Hypérion de pur bonheur. Le Concerto est complété par deux œuvres de 2019, Partita et Sonatina nostalgica. Autant vous prévenir afin que vous ne soyez pas déçu : l’esthétique du compositeur Stephen Hough n’est pas sérielle, mais d’une mélancolie irrésistible. La finesse, le raffinement de son jeu ainsi que son délicieux humour font merveille. L’occasion de revisiter la splendide discographie d’un monstre sacré du piano contemporain
Il faudrait rendre aux œuvres de Louis James Alfred Lefébure-Wély l’audience considérable qui fut jadis la leur ! C’est une musique qui n’est jamais bien loin de la musique de divertissement et de la gaudriole, mais avec quel talent ! Pour l’orgue en particulier, LJALW a composé des trucs ravissants. Le jeune et déjà très prolifique pianiste italien Nicolo Giuliano Tuccia s’y colle, avec un enregistrement de ses ravissants Chants du soir.
La si belle Maria Tipo, qui vient de nous quitter aura construit une discographie somme toute assez abondante mais partagée en peut-être trop de labels, je ne sais pas pourquoi et à peu près disponible aujourd’hui en numérique mais de manière hélas foutraque. De ses disques Vox dès 1956 à ses disques EMI des années 70 à 90, très bien reçus, mais qui me semblent n’avoir pas eu de suite, sans compter ses “live” et des Clementi pour Fonit Cetra, elle nous aura comblé. Commencez par ses Scarlatti et ses Clementi ; ne manquez pas ses concertos de Mozart et ses Nocturnes de Chopin. Une grande artiste sage et discrète, et une voix immédiatement reconnaissable.
Spécial Ravel (suite)
Jean Martinon - Je voudrais d’abord rappeler à votre bon souvenir l’Art du chef (et compositeur) Jean Martinon, qui fit paraître en 1975 une intégrale des œuvres pour orchestre avec l’Orchestre de Paris, qui avait à l’époque encore une sonorité moins “photoshopée” qu’aujourd’hui, incluant les concertos pour piano par Aldo Ciccolini et Tzigane par Itzhak Perlman.
Jean-François Heisser - Ma Mère l’Oye, la Pavane pour une Infante défunte et le Tombeau de Couperin présentent cette particularité d’être également “disponibles” en version originale pour piano, (à 4 mains pour Ma Mère l’Oye) puis en version orchestrée par leur auteur. Dans son nouveau disque Ravel, Jean-François Heisser emmène son Orchestre de Nouvelle Aquitaine ( région qui va de Tours au Pays basque, selon la dernière organisation territoriale !) avec bien du talent. Il est confronté à une discographie surabondante mais peu importe, il faut se laisser aller ici à suivre un travail orchestral très soigné, se laisser guider par un artiste qui nous a régalé au long de sa carrière de concerts et de disques sensibles : il y a de la musique là-dedans ! Son Concerto en sol, qui ouvre le disque ne court pas la poste, et le troisième mouvement en est particulièrement réussi il me semble. J’ai réalisé à l’occasion de cette parution à quel point nous sommes redevables du travail discographique de Heisser. Ses disques de musique espagnole pour Erato, bien sûr, mais aussi ses nombreux albums pour Pierre-Emile Barbier chez Praga Digital heureusement réédités. Enfin, à la tête de l’Orchestre Poitou-Charentes devenu Nouvelle Aquitaine ou en soliste, Heisser poursuit son chemin original chez Mirare. Tous les disques sont derrière ce lien.
Il faut signaler la parution d’un nouveau volume de la Discothèque Idéale de Diapason consacré à Ravel. Il s'agit pour la majeure partie d'enregistrements anciens gravés dans le marbre, avec quelques raretés. Les choix de versions sont parfaits, le texte de présentation et l'édition impeccables. Ce coffret est disponible en coffret de 10 CD à prix modique, et il sera certainement rapidement disponible en numérique, streaming ou téléchargement. Par la même occasion, allez faire un tour dans les autres titres de la collection de “ La Discothèque Idéale de Diapason”. Elle est constituée en majorité avec des enregistrements du Domaine Public . Il est vrai qu’on peut moins se tromper en rééditant de très bons disques validés par les années, plutôt que d’en risquer la production avec de nouveaux artistes… Mais ces coffrets bénéficient de la passion des collaborateurs de Diapason et vraiment, si les mots ont un sens, répondent bien à leur dénomination de “Discothèque Idéale”.