COUACS.INFO HEBDO #35
Le retour de COUACS. Misère et décadence de l'INA, qui nous cache ses trésors sonores. Et si il n'y avait que ça...
Éditorial
Publié le Dimanche 9 janvier 2022
À quoi bon râler semaine après semaine au risque de passer pour atrabilaire, quand on n’aime rien tant que la musique, le bonheur et le ciel bleu ?
Hélas, sur le fond, il se passe tellement rien d’important dans l’industrie qui est de ma spécialité, ou de vraiment neuf, ces derniers temps…
Ces doutes m’ont donc un peu éloigné de la rédaction de ces COUACS hebdomadaires.
L’envie va-t-elle revenir ? Essayons.
J'évoque dans ce premier post 2022 le problème des archives sonores de l’INA ina…ccessibles !
Tous mes vœux amicaux à mes fidèles lecteurs pour 2022 !
Misère et décadence de l'INA
La plateforme Ina / Madelen semble tirer les conséquences de son insuccès… et appelle Amazon Prime au secours pour élargir son auditoire. Qu’est-il donc arrivé à ce qui devait être le “Netflix des archives” ?
Il y a deux ans l’INA a décidé de créeer Madelen, un site audiovisuel de plus, à ajouter à d’autres tentatives françaises, toutes ayant bénéficié de différents soutiens publics à un moment ou à un autre : Salto récemment, dont France Télévision veut déjà se désengager, DailyMotion il y a plus longtemps…
J’avais pourtant fait preuve de bonne volonté en faisant ici à Madelen une jolie publicité. Mais le soutien de COUACS n’aura donc pas suffi ! Avec des offres d’abonnements à 1 euro les trois mois, réitérées depuis 2 ans, Madelen s’est donné bien du mal, et des moyens, pour attirer des utilisateurs. Oui mais : nope. Ne marche pas.
Alors l'INA a récemment décidé, en catimini, de confier les contenus de Madelen en option payante à Amazon Prime, petit joueur américain qui nous aidera, nous Français attachés au Service public, à défendre l’indépendance de l'Internet culturel, à maîtriser nos datas
— à renforcer notre soft power, pour tout dire ! L’INA se jette donc dans la gueule du loup, celle d’une société à laquelle on oppose dans nos régions une résistance bravache quand il s’agit d’ouvrir des entrepôts logistiques. Belle logique en tout cas.
À titre personnel, je suis un admirateur d’Amazon à bien des égards, surtout parce que depuis ses débuts en France Amazon m’a semblé raffraichissant par la liberté de choix offerte dans le domaine de la musique, à l’inverse de cette maudite préconisation de la Fnac qui cachait un mercantilisme vicieux et beaucoup de prétention.
Avec Amazon Prime Madelen disposera d’une plateforme qui fonctionnera très bien, dotée d’une ergonomie correcte et d’applications pour tous les OS, aux petits oignons. Voilà qui va changer la vie des utilisateurs ayant eu la velleité de se servir un jour du site Madelen, catastrophique. Ils s’en désabonneront pour privilégier Amazon Prime qui, à son tour, percevra un péage.
On doit s’inquiéter pourtant de la pertinence du choix d'Amazon Prime comme partenaire, par l’INA. Échouer aussi lamentablement à marcher sur ses jambes et se donner à Amazon Prime en réaction, est-ce pardonnable ? Est-ce fondamentalement autre chose que la fameuse ubérisation qui fait passer les restaurants, les hôtels, les producteurs locaux de produits fermiers et de musique sous les fourches caudines des GAFAM ? Non. C’est la même chose. Triste et incohérent : l'INA essaie d’échapper au ridicule de son échec par la honte et la capitulation.
Que l’INA abandonne alors, une fois pour toutes, l’ambition d'être une plateforme grand public , et se concentre réellement sur la “clearance” juridique massive de ses contenus, et leur mise à disposition sur toutes les plateformes tiers existantes, à commencer par les plateformes françaises qui savent faire.
À la lumière de cette aventure, il faut aussi constater que l’INA, en l’An de grâce 2021, ne sait toujours pas concevoir un site Internet multimédia présentable ; que l’INA ne sait pas disposer stratégiquement de ses atouts, que l’INA, en jouant à la poupée qui joue à la vendeuse, fait planter une part importante de la mission du Service public de l’audiovisuel qui lui est confiée.
Les contenus vidéo de Madelen souffrent d’une éditorialisation bas de gamme, mal rédigée, au design moche. En vérité, on se fiche des choix éditoriaux de l’INA, surtout qu’ils sont pleins de fautes et d’imprécisions, et réalisés par des débutants. On ne se fait pas à l’idée, par contre, que l’INA participe à la médiocrité ambiante et se précipite pour faire résonner sur ses réseaux sociaux son logo et sa vocation, en balançant les archives des clashs de Zemmour ou ceux de Thierry Ardisson. On se fiche enfin, sauf pour s’en attrister, de voir tourner en boucle les mêmes extraits INA de Gainsbourg insultant Béart, ou l’intégrale de Thierry la Fronde : on les connaît par cœur depuis longtemps, et ils n’ont, de “mythique”, selon un mot abusé, que l’opinion que s’en font les jeunes curateurs de l’INA.
Par ailleurs. Madelen est orientée vidéo, mais privilégie la culture mainstream au détriment des archives sonores innombrables, d'un intérêt culturel majeur, auxquels aucun soin sérieux n'est accordé. Madelen fait l’impasse par exemple sur les énormes archives enregistrées de musique classique en sa possession, pour se concentrer sur des contenus de fiction ou de flux, aux mêmes couleurs sépia que son site. Bonne nuit les petits, plus que D.E. Ingelbrecht, Pierre Dervaux ou André Girard.
Sur les archives sonores, on pressent que nous sera opposé l’argument de la “convention-cadre” signée avec Radio France. Car la collaboration entre acteurs du Service public est à l’ordre du jour et il faut que cela se sache ! C’était bien la peine de tuer l’ORTF, décidemment. On a compris qu’il existe désormais, dans le contexte du “Plan d’objectif et de moyens” de Radio France, une collaboration actée avec l’INA — comme si elle n’allait pas de soi, avait besoin d’une signature, l’INA détenant dans ses armoires tout le passé de la radio publique en France ! Mais que voulez-vous, ces gens qui ne travaillent qu’avec l’argent public tiennent à faire briller leurs marques et leurs logos.
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Bonne Année Cher Yves. Très bien l'article. Merci
Merci pour cette analyse. Peut-être est-ce évident, mais le choix d'une référence INA au sein d'Amazon Prime ramène à une proposition d'abonnement à Madelen ; on tourne en rond.