Alain Lanceron : “Le piège à éviter […] est que la valeur artistique ne devienne une valeur secondaire, au profit du easy listening.”
Warner Classics rafle la mise depuis plusieurs années sur le marché du disque classique et du crossover en France. L’analyse des Tops Classiques de la profession qui ont fait l’objet ici de plusieurs articles montre que chaque semaine Warner Classics squatte une grande des positions, souvent avec des produits de crossover.
Alain Lanceron, indéboulonnable patron et héros du classique de la Major a récemment donné une interview au site ForumOpera.com, dans lequel comme d’habitude il juge que tout va bien et vers le mieux pour le disque classique, et se donne le luxe de conseils de méfiance à l’égard du Easy Listening”, un terme délicieusement suranné qui désignait jadis un crossover de qualité. Notre vétéran ne manque pas d’air, puisque sa marque est l’une des plus efficaces pourvoyeuses de crossover sur le marché français, comme en atteste chaque semaine le Top Classique. Les bons résultats dont il se targue s’appuient justement sur ses produits de crossover, abusivement promus en toutes occasions sur les antennes du service public, où il semble que les émissions classiques soient préemptées par Warner et son service de presse.
Vous l’avez encore constaté à l’occasion du “Concert de Paris” le 14 juillet. La majorité des solistes était Warner Classics : une grande publicité clandestine. Non seulement les artistes étaient sur scène sans cesse, mais Stéphane Bern faisait tranquillement et à voix haute la publicité de leurs albums de crossover. LVMH n’a pas fait beaucoup mieux pour Louis Vuitton lors de la soirée d’ouverture des Jeux Olympiques, mais cela a dû coûter plus cher.
Jugez-en :
Guillaume Bellom ?
Warner Classics (et DG avec Renaud Capuçon)Renaud Capuçon ?
- Warner Classics (pour le crossover, et maintenant ses disques sérieux en licence chez DGGautier Capuçon ?
- Warner ClassicsJérome Ducros ?
- Warner Classics, avec Gautier CapuçonFatma Saïd, soprano ?
- Artiste exclusive Warner ClassicsPene Pati, ténor ?
- Artiste exclusif Warner ClassicsDaniel Lozakovich, violon ?
- Artiste exclusif Warner Classics désormais (ex Deutsche Gramophone)
Le Concert de Paris n'est pas la seule émission sur le service public a nous jouer cette même distribution à une poignée d'artistes. Fauteuils d'orchestre (Anne Sinclair) Le Grand Échiquier (Claire Chazal), les concerts de Culture Box, font toujours la part très belle aux artistes Warner Classics et à ses productions les plus “easy listening”
Cette exposition promotionnelle écrasante engendre un déséquilibre de visibilité au détriment des concurrents. Elle permet aussi à Warner de se maintenir en magasins et d’y réaliser des ventes de CD sur le thème “vu à la télé”, ce qui tourne à l’impossible pour d’autres et ce qui permet à Lanceron d’affirmer que le CD se maintient “en dépit des Cassandre”.
Cette exposition promotionnelle engendre enfin pour les artistes Warner Classics un avantage concurrentiel évident quand il s’agit de vendre des concerts partout en France : Monsieur le Maire sera souvent sensible lui aussi au “vu à la télé” et enjoindra son programmateur à en inviter les artistes, pour faire du public. La boucle est bouclée.
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